L’incendie de 1866 (1 de 4) – Feu et frayeur

Cette année, le 14 octobre marque le 150e anniversaire de l’incendie de 1866 de la Basse-Ville de Québec. Pour souligner l’événement, Monsaintroch et Monsaintsauveur présentent une série de quatre récits inspirés de cette triste journée.

L’incendie de 1866 (1 de 4) – Feu et frayeur | 14 octobre 2016 | Article par Dominic Champagne

Crédit photo: Ghislain Martineau

Cette année, le 14 octobre marque le 150e anniversaire de l’incendie de 1866 de la Basse-Ville de Québec. Pour souligner l’événement, Monsaintroch et Monsaintsauveur présentent une série de quatre récits inspirés de cette triste journée.

Récit du désastre vécu par un résident de la rue de la Reine

Dans la nuit du 14 octobre, j’ai eu de la misère à dormir parce que j’avais pas d’ouvrage depuis trois jours. Vers quatre heures et demie du matin, j’ai entendu l’alarme. On aurait dit que ça venait de la Place ? J’ai enfilé ma culotte et je suis sorti. Je n’étais pas le seul; déjà, les gars sur la rue Queen se hâtaient vers le marché. On est arrivé vers 4 h 50, méchant feu ! Il s’était déclaré dans le grog shop à Trudel. Les gars étaient pas mal affectés, la fête s’était étirée un peu tard. Quand les services d’incendie sont arrivés, y’ont déroulé leurs beaux tuyaux neufs pendant que nous autres, on commençait à charrier les chaudières de l’écurie, pis là, des malfrats, qui vont le regretter longtemps, ont commencé à couper les tuyaux à coup de hache ! J’ai bin essayé d’en raisonner un, mais y’était chaud comme la Pologne ! Maudite boisson ! On était mal pris, fallait retourner à caserne chercher d’autres tuyaux.

Le vent a percé le toit en faisant un drôle de tourbillon et a poussé le feu à travers la cheminée. Les flammes se sont propagées rapidement et les brûlots se sont dispersés. C’est là que le vent s’est mis à souffler fort en direction du nord-est, pis ça, bin, c’était en plein vers ma cabane sur la Queen. On aurait dit que le diable en personne s’organisait pour que tout brûle, le feu jumpait d’une maison à l’autre. J’ai pas eu d’autre choix que de partir en courant vers chez nous, y’avait pu rien à faire !

Sauver le chat

On voyait subitement des femmes pis des enfants effrayés dans rue. Fallait que je me protège avec mon jacket pour ne pas recevoir des tisons dans l’œil. Les gars entraient dans leur cabane en criant pour réveiller leur famille. Moi j’ai juste un chat, mais j’avais aussi mes outils, pis d’autres souvenirs ! Je suis arrivé chez moi en même temps que les brûlots sur le toit de mon voisin d’en face, ça allait trop vite ! J’ai sacré mon chat par la fenêtre, j’ai pris le portrait de môman, je l’ai mis dans mon coffre à outils et j’ai entendu crier dehors, alors je suis sorti. La maison d’en face était en train de brûler. Madame Hayfield ramassait ses ustensiles dans sa maison en flamme.

Quand je me suis reviré de bord, ma cabane commençait à brûler ! J’avais mis mes affaires sur le bord de la porte, mais je voulais absolument prendre une couple de patates pis la courtepointe de ma mère. C’était une mauvaise idée, la courtepointe a brûlé dans mes bras sur le chemin. Une charrette est passée à côté de moi sans s’arrêter, je l’ai pas trouvée drôle !

Le soleil commençait à se lever. Avec toute la boucane, on aurait dit que le diable avait dessiné le ciel orange. J’ai voulu  me diriger vers la Saint-Charles, mais tout le monde allait à l’Hôpital Général. À l’hôpital, y’avait plein de monde dans le jardin, avec toutes sortes de gréements. Des vieillards, des femmes, des enfants perdus… Aussitôt que j’ai déposé mon coffre, on a sollicité mon aide. Fallait aller chercher des seaux dans le monastère. En passant par l’église, j’ai vu des Augustines et des handicapés prier devant le tabernacle pour que Dieu nous épargne. On arrosait le toit et le mur du monastère en faisant la chaîne. La vue était désolante. On voyait se former des tourbillons de flammes au loin. Saint-Roch était disparu et le feu se propageait dans Boisseauville. Le plus fatigant, c’est que les flammes étaient pas à douze pieds de l’hôpital, et rasaient les dalles de l’entrée. Certainement que si les maisons pognaient l’autre bord de la rue, c’en était fini de nous autres !

Je savais pas encore, mais pour faire un barrage au feu, le maire a ordonné aux ingénieurs de la Royale Navy de faire sauter les maisons avoisinantes avec des barils de poudre. Du toit du monastère, j’ai vu un gars entrer avec un baril dans une maison. Il n’a pas eu le temps de ressortir que le baril explosait ! Le monde l’ont traîné jusqu’à l’hôpital, accompagné de son collègue qui avait les deux bras arrachés, c’était épouvantable.

Le feu s’est terminé vers 18 h. Il fallait que je me trouve un endroit pour passer la nuit. Le voisinage était devenu une forêt de tuyaux. Tout Boisseauville et une grosse partie de Saint-Roch étaient brûlés. J’ai retrouvé mon chat près de ma maison. Sauf lui, mon coffre à outils, une patate et le portrait de ma mère, j’ai pu rien.

Malgré un contexte historique, les auteurs tiennent à préciser que certains faits et personnages de ces récits sont tirés de leur imagination. Ces derniers n’ont pour unique prétention que de rendre hommage, à leur manière, à la Basse-Ville de Québec et à ses habitants du XIXe siècle.

Remerciements sincères aux Augustines de l’Hôpital Général de Québec pour leur inspiration et leurs précieuses archives.

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